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Cadrage médiatique des manifestations à la suite du décès de George Floyd
Le 25 mai 2020, George Floyd, un citoyen afro-américain, décède des suites de son arrestation par la police du Minnesota. Au cours de celle-ci, alors qu’il est plaqué au sol, un policier maintient son genou appuyé sur le cou de M. Floyd pendant plus de 8 minutes, et ce malgré les plaintes répétées de ce dernier. À de multiples reprises, il exprime son incapacité à respirer : « I can’t breathe ». Filmée par des passants, la vidéo de l’agonie et du décès de M. Floyd sera partagée plusieurs centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux. Elle conduira des citoyens de la ville de Minneapolis, puis des États-Unis et, quelques jours plus tard, du monde entier, à sortir dans les rues pour manifester contre les violences policières et le racisme systémique anti-noir. Alors que nous vivons un moment historique dont les enjeux sont extrêmement complexes, les citoyens comptent sur les journalistes pour rendre compte des événements et les replacer dans leur contexte. Étant donné que les lecteurs utilisent ces informations pour éclairer leur propre compréhension de ce qui se passe, la façon dont les organes de presse présentent et cadrent les informations est d’une importance cruciale.
Le titre des nouvelles, par exemple, est souvent rédigé de manière à attirer l’attention des lecteurs. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que la façon dont le public comprend une histoire commence dès la lecture de celui-ci. En effet, des recherches (en anglais) publiées dans le Journal of Experimental Psychology : Applied démontrent que les titres peuvent également avoir un impact majeur sur la façon dont les lecteurs lisent et se souviennent des détails d’un article. De plus, selon une autre étude, 59 % des liens partagés sur les réseaux sociaux n’ont jamais été ouverts. Ainsi plus de la moitié de ceux qui partagent ces articles n’en lisent que le titre.
Les manifestations de masse constituent un rappel soudain que le choix des mots est important. Les agences de presse peuvent éprouver des difficultés à décrire les événements avec précision et sans biais. Les titres qui qualifient les événements d’« émeutes » et qui mettent l’accent sur le chaos ou la violence brossent un tableau très différent de ceux qui décrivent les événements comme des manifestations pacifiques prônant la justice raciale.
Les critiques des médias ont également noté une méthode plus subtile de cadrage des événements : l’utilisation de la voix passive dans la rédaction des gros titres. La voix passive est une forme verbale qui se concentre sur la personne ou l’objet qui subit une action, plutôt que sur la personne ou l’objet qui exécute l’action. Dans le contexte des manifestations, la voix passive peut être utilisée comme un moyen de masquer qui, exactement, est à l’origine de la violence.
La couverture médiatique de l’arrestation d’une équipe de journalistes de la chaîne d’information américaine CNN peut servir d’exemple afin d’illustrer les effets de l’utilisation de la voix passive. En comparant les deux articles ci-dessous issus du Huffington Post et du Courrier picard, il est possible d’observer une différence importante dans la manière dont les événements sont représentés.
Bien que les titres fassent tous deux référence à l’arrestation de journalistes de CNN, le titre du Courrier picard, « Une équipe de CNN interpellée en plein direct lors des émeutes de Minneapolis » (passif), ne nous donne pas d’informations sur la personne ou entité à l’origine de l’action. À l’inverse, le titre de l’article du Huffington Post identifie clairement qui a exécuté l’action : « La police arrête en direct à la télé une équipe de CNN qui couvrait les manifestations de Minneapolis » (actif). En mettant ces deux exemples en parallèle, nous constatons que l’usage de la voix passive conduit ici à une représentation incomplète de la situation. Ce type de construction de phrase tend à sous-représenter certains phénomènes, comme ici un potentiel abus de pouvoir de la part de la police et une violation de la liberté de la presse.
Il existe des usages opportuns de l’utilisation de la voix passive,par exemple si la personne qui a commis une action est inconnue. Mais dans la majorité des cas, la voix active transmet les informations plus directement et plus clairement. La phrase « une équipe de CNN [a été] interpellée en plein direct » ne fournit pas autant d’informations que celle-ci « La police arrête en direct à la télé une équipe de CNN ».
De plus, la comparaison des titres de ces deux articles nous permet aussi de constater que le choix des termes a une influence sur le message qui est transmis. Le titre de l’article du Huffington Post stipule clairement que la police a « arrêté » les journalistes, tandis que le titre de l’article du Courrier picard suggère que les journalistes n’ont été qu’« interpellés ». Ce choix pourrait être considéré comme problématique, puisque le terme « interpeller » semble minimiser l’action réelle des policiers lors de cette intervention.
Cet exemple illustre bien comment des choix linguistiques subtils en apparence peuvent faire de grandes différences dans la façon dont le public interprète les événements. En comprenant ces enjeux et en y étant attentifs, nous pouvons être poussés à chercher à en savoir plus sur le contexte des nouvelles que nous consultons. Nous pouvons donc devenir des consommateurs d’information plus avisés.
Activité 1 : Analyser les titres
Activité 2 : La voix passive
Exemples:
Cadrage : La perspective ou l’angle spécifique à partir duquel une nouvelle est racontée.
Biais médiatique : Le fait de privilégier une perspective ou une interprétation par rapport à d’autres. Les biais médiatiques influencent le choix des histoires qui sont rapportées et la manière dont elles sont présentées.
* Articles en anglais